Médiologie
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12. Médium 12

« Qu’est ce qu’un chef ? »

Juillet-septembre 2007

par

Publié le : 29 novembre 2015

Le chef bouge. Mieux : il jogge. Mais si le nouveau chef est arrivé, s’il court il court le furet, son pedigree est très ancien, et c’est à décrire ses métamorphoses, techniquement déterminées, que s’attache le présent numéro de Médium.

Certes, on n’ordonne plus, on ne commande plus, on manage, on ménage, on influence, on entraîne. Les mots de chef et d’autorité sont aujourd’hui plus qu’hier d’un usage difficile tant ils suscitent en chacun un imaginaire grimaçant de crainte et de répulsion. Pour mieux s’en protéger, on en use avec dérision : le chef y croit, se fait « la grosse tête » et se prend pour… un chef. Le bouffon heureusement nous en protège, l’ironie nous impose de la distance. La fonction d’autorité s’exerce aujourd’hui dans la dénégation.

Sommaire

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Avoir le chef en tête
par Antoine Perraud

Musarderie étymologique et lexicale à travers les chefs d’une accusation… Le terme « chef » a connu des détours avant de percer. Il a eu un ou deux concurrents avant de rester seul en lice. Puis il s’est imposé avec une efficacité envahissante et virile. Mais, en le prenant au mot, ne peut-on pas forcer le chef à se découvrir ?
Musarderie étymologique et lexicale à travers les chefs d’une accusation

Du maître au coach
par Michel Erman

La chefferie doit autant au discours de persuasion qu’à l’image avantageuse. Le « discours du chef » a ses métaphores traditionnelles, devenant communes aux mondes politique, économique et sportif. Après le lion, le tigre et le loup, voici le coach, moins redoutable et plus entraînant. Un mot à examiner de près.

Pasteur ou bien tisserand ?
par Dimitri El Murr

La politique est question d’unité, ou plutôt d’unification. Or penser cette unité sur le modèle du tissage n’est pas la même chose que de la penser, par exemple, sur le modèle du mélange. La réunion de deux liquides miscibles ne produit pas une unité du même type que celle de la chaîne et de la trame dans l’étoffe d’une toile tramée. Tel ou tel élément du mélange peut disparaître dans la fusion qui produit une nouvelle unité substantielle. Mais la chaîne et la trame ne cessent jamais de se distinguer ; elles sont toujours dénouables

Chefferies
par François-Bernard Huyghe

L’autorité fut longtemps l’attribut du chef. Il suscitait spontanément l’obéissance. Or notre société privilégie l’influence. Plus d’autorité, donc plus de chef ?

L’icône démocratique (à propos des portraits de Gambetta)
par Michel Melot

Être chef, en démocratie, devient-il une simple affaire d’image ? Omniprésente, inévitable, banalisée, l’image devient en tout cas une affaire politique. Elle s’impose pour rassembler les énergies dispersées et colmater les brèches de sociétés fissurées. Ainsi se construisent les républiques, à coups d’images.

En majesté
par Daniel Bougnoux

Dynamique des images
 : certaines ne s’arrêtent pas au sage face-à-face mais cherchent un contact virulent, une invasion de la conscience, une pulsion d’emprise. En deçà ou au-delà de la représentation, elles détiennent un pouvoir et manifestent un ascendant. « Présence réelle », vertu d’incarnation, magnétisme ou influence galvanisante..., ce vocabulaire théologico-politique contourne la relation sémiotique en direction d’une action plus vive, et plus dangereuse pour les sujets menacés de suggestion. On reconnaît à cela le chef : dès son image il en impose, son effigie ne l’éloigne pas.

Premiers rôles
par Louise Merzeau

Les mécanismes de la gouvernance et de l’autorité ne s’exercent qu’à travers une mythologie, simultanément mystificatrice et normative. Il n’est pas de chef sans une figure, où s’incarne la rencontre d’un pouvoir et d’une aspiration. L’image n’est donc ni un habillage ni une signalétique : c’est une génétique où s’élabore la médiation. En ce sens, le cinéma offre plus que des illustrations. Il produit des modèles de légitimation, susceptibles d’alimenter une philosophie des regards qui est aussi une pensée du politique.

Désirs de chef
par Jacques Lecarme

L’entre-deux-guerres a vu deux désirs bien distincts, celui de devenir un chef et celui d’avoir des chefs. La littérature de cette période manifeste une grande ambivalence : les chefs seraient à la fois la pire des choses et le recours suprême.

Mégalomanie et mélancolie
par Robert Damien

Relationnelle toujours, l’autorité est relatée par celui à qui elle en impose. La satire rappelle à l’éminence qu’elle n’est que relative à cet autre même dont elle se fait l’écho narquois, parfois rancunier. Elle rétablit le rapport à l’autre de toute autorité en parasitant les illusions de grandeur. En changeant les points de vue et les échelles du regard, elle restitue les termes de comparaison. Dans la mégalomanie, folie des grandeurs, se creusent alors les plis amers de l’idéal. Déçu de découvrir sa dépendance vis-à-vis d’autrui, le chef sombre dans la mélancolie, maladie d’Héraclès, maladie de la grandeur.

L’optique de l’aura
par Régis Debray

« Sc. occultes. Sorte de halo enveloppant le corps, visible aux seuls initiés » (Petit Robert). Extrait pour partie de Loués soient nos seigneurs. Une éducation politique, Gallimard, 1996.

Quatre figures du discours
par Paul Soriano

Les quatre figures temporelles de l’autorité repérées par Alexandre Kojève ne font pas l’économie de dispositifs d’obéissance : de la coercition à la persuasion, du charisme à la rhétorique, les instruments du pouvoir recombinent inlassablement l’image et la parole. Et il n’est pas sûr que leur dernier avatar, appelé « gouvernance », mette un terme à cette histoire.

L’école des leaders
par Pierre d’Huy

Il y a sans doute un destin dans toute histoire de chef, mais aussi souvent beaucoup de connaissances sur les bancs de l’école des élites. Peut-on apprendre à être chef ?

En avant marque ! L’autorité des marques comme système fonctionnel
par Benoît Heilbrunn

Dans la logique industrielle, accoler un nom propre à un produit de série ne va pas de soi. C’est pourtant une nécessité du marketing, qui sait fort bien recycler les anciennes autorités traditionnelles et charismatiques. Un nouveau rôle pour le chef postmoderne.

Bonjour l’ancêtre

Maurice Barrès (1862-1923)
par Jacques Lecarme

Les écrivains croyaient écrire pour l’éternité, or il suffit d’une génération pour que les plus prestigieux soient ensevelis dans la poussière de l’oubli et de l’indifférence. Qui a mieux communiqué avec son époque (1890-1914) que Maurice Barrès, sinon Sartre avec la sienne (1938-1964) ? Le succès ininterrompu de leurs écrits, le prestige durable de leur personne, ont épuisé leur crédit pour les générations. Qui a trop gagné de son vivant perdra devant les nouvelles vagues de lecteurs. Mais il est difficile de disparaître aussi complètement que ce Barrès…

Salut l’artiste

Jean Baudrillard
par Marc Guillaume

Mes amis… Nous sommes la communauté des amis de Jean Baudrillard. Quand Jean donnait son amitié, c’était pour la vie. Fidélité absolue, quelles que soient nos faiblesses, nos limites. Fidélité qui laissait toute liberté. Ceux qui ne voyaient pas Jean souvent restaient néanmoins ses amis.

Jean Baudrillard aimait prendre des photos. Il parlait souvent de cette allégresse – celle des matins de lumière sur une ville, ou de l’oblicité d’un livre sur une table. Moments de joie, solitaires et gracieux. Sans autre conséquence qu’une effraction dans le principe même de réalité...

L’allégresse de disparaître
par Louise Merzeau

Jean Baudrillard aimait prendre des photos. Il parlait souvent de cette allégresse – celle des matins de lumière sur une ville, ou de l’oblicité d’un livre sur une table. Moments de joie, solitaires et gracieux. Sans autre conséquence qu’une effraction dans le principe même de réalité...

La photographie comme pratique philosophique
par Françoise Gaillard

Certains auteurs de contes pour enfants ont exploité le soupçon d’une existence autonome et séparée des choses. Jean Baudrillard a donné à ce soupçon la forme d’un questionnement philosophique : « N’avons-nous pas le phantasme profond, depuis toujours, d’un monde qui fonctionnerait sans nous ? » Et c’est ce monde qu’il a voulu photographier.

Un concept

Gouvernance
par Paul Soriano

En vieux français (XIVe siècle), gouvernance désigne simplement l’art de gouverner. Tombé en désuétude, le terme réapparaît en anglais dans les années 30, à propos du gouvernement d’entreprise (corporate governance), à l’époque où Ronald Coase se demande « pourquoi y a-t-il des entreprises ? » plutôt que, simplement, des marchés (des contrats), ouvrant ainsi la voie aux théories « institutionnalistes » de la firme.

Symptômes

Clopes et cloportes
Fantaisie pharmacologique
Puissance des mots