Un dépôt de bilan peut se consigner dans la bonne humeur, avec clins d’œil et sourires. C’est cette variante teintée d’humour, rarement pratiquée au tribunal de commerce, qu’a choisie Régis Debray, dans cette lettre d’un père à son fils bachelier, en quête de conseils sur la filière à suivre. Littérature, sociologie, politique, sciences dures ? En empruntant le langage entrepreneurial, celui de notre temps, l’auteur lui expose les bénéfices qu’un jeune homme peut dorénavant attendre de ces divers investissements. En lui recommandant instamment d’éviter la politique. Bien au-delà de simples conseils d’orientation professionnelle, ce livre-testament voudrait faire le point sur le métier de vivre dans le monde d’aujourd’hui, sans rien sacrifier aux convenances. Beaucoup d’adultes et quelques délurés sans âge particulier pourront sans doute y trouver leur compte.
Bilan de faillite ? On nous permettra de contester le commissaire aux comptes. Dans son interview du 29 avril à l’Express, Régis Debray n’a pas manqué de mentionner une sienne entreprise, opiniâtre sinon florissante : 55 numéros à ce jour, 55 trimestres, soit près de 14 exercices d’affilée, tous profitables à nos yeux sinon à nos comptes en banque. Et qui surtout nous tient particulièrement à cœur : nous voulons parler de la revue Médium, évidemment, un actif du bilan qui l’honore et nous honore, et fait du fondateur de la médiologie notre éternel créancier. Quoi qu’il en soit, l’entreprise fait face à ses engagements avec ce 56e numéro, garanti exempt de toute obsolescence programmée, et qu’il présente ainsi dans une keynote discrète :
À l’empire croissant des algorithmes et du calcul, répond une demande d’incarnation en hausse. Les technologies du virtuel, froides en elles-mêmes, appellent du chaud en compensation, d’où la vogue du cru, du brut, du bio. Et l’essor dans les banlieues d’un évangélisme expansif, tripal et chaleureux. Nous avons de plus en plus besoin de danser. On détaille cela dans le dernier numéro de notre revue Médium, « Le code et la chair »…
Merci patron !