Le bateau ivre
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !
J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
− Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?
Rimbaud, Le Bateau ivre.
L’un des endroits les plus prospères de la planète
« L’Union Européenne (UE) est le meilleur modèle pour comprendre comment des voisins enlisés dans des conflits de longue date sont parvenus à s’unir pour leur bénéfice mutuel. (…). L’UE a créé une zone de paix là où avait régné une guerre sans répit. Elle a fourni le cadre institutionnel nécessaire à la réunification de l’Europe occidentale avec l’Europe orientale. Elle a généré des infrastructures régionales. Le marché unique a été déterminant pour faire de l’Europe l’un des endroits les plus prospères de la planète. Et l’UE est un leader global en matière d’environnement durable. C’est pour ces raisons que l’UE constitue un modèle unique pour d’autres régions enlisées dans les conflits, la pauvreté, le manque d’infrastructures, et la crise environnementale. »
Jeffrey D. Sachs, spécialiste du développement, directeur de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia et consultant spécial pour le secrétariat général des Nations-Unies pour les Millenium Development Goals.
Union mondiale
« Les nations souveraines du passé ne sont plus le cadre où peuvent se résoudre les problèmes du présent. Et la Communauté elle-même n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain. » Derniers mots des Mémoires de Jean Monnet, Fayard, Paris, 1976.
L’Aveu
Les pères fondateurs ont construit l’Europe à l’abri des peuples, parce qu’ils étaient une avant-garde éclairée, parce qu’on pouvait peut-être le faire, et ils ont avancé prouvant ensuite que cela fonctionnait. Ils jouissaient peut-être d’une confiance dont les gouvernants n’ont plus l’exclusive, c’est ainsi. Ils vivaient dans d’autres temps où les moyens de communication n’étaient pas les mêmes. (Emmanuel Macron, « Initiative pour l’Europe », discours à la Sorbonne, 26 septembre 2017).
Ce qui la tient...
Car cette Europe où chaque Européen reconnaît son destin dans le profil d’un temple grec ou le sourire de Mona Lisa, qui a pu connaître des émotions à travers toute l’Europe en lisant MUSIL ou PROUST, cette Europe des cafés, dont parle STEINER, cette Europe dont SUARES disait qu’elle est « une loi, un esprit, une coutume », cette Europe des paysages et des folklores, cette Europe dont ERASME, dont on disait qu’il en était le précepteur, disait qu’il fallait demander à chaque jeune, déjà, de « parcourir le continent pour apprendre d’autres langues » et « se défaire de son naturel sauvage », cette Europe, parcourue par tant de guerres, de conflits : ce qui la tient, c’est sa culture.
Un spectre hante l’Europe...
« L’’Occident rêve d’un Nouveau Saint-Empire, qui ressemblerait au Saint-Empire romain germanique, avec un Empereur majestueux, bien barbu de préférence, élu par quelques grands Électeurs délégués des vieilles Nations ou des nouveaux régimes ; un Empereur très différent d’un dictateur, car il aurait un pouvoir illimité en principe, mais très mesuré en fait, par la demi-autonomie des Villes Libres, ou des Provinces Unies. Avec un Pape gardien d’un Nouveau Pouvoir Spirituel, gardien d’une Idéologie sacrée, et Maître d’un nouveau clergé qui concentrerait, lui, le prestige des Médecins, des Psychiatres, des Confesseurs, des Directeurs de conscience, des Gourous et des Mandarins, des Magiciens et des Prophètes, des Préfets des mœurs et des Dames patronnesses ». Raymond RUYER, Le Sceptique résolu, Robert Laffont, 1979.
Plus d’Europe...
« Il y avait plus d’Europe à l’âge des monastères, quand l’Irlandais Colomban venait semer ses abbayes et ses bibliothèques aux quatre coins du Continent. Plus à la bataille de Lépante, quand Savoyards, Génois, Romains, Vénitiens et Espagnols se ruèrent au combat contre la flotte du Grand Turc, sous la houlette de Don Juan d’Autriche. Plus à l’âge pacifique des Lumières, quand Voltaire venait taper le carton à Sans-Souci avec Frédéric II, ou quand Diderot tapait sur le ventre de Catherine II à Saint-Pétersbourg. Plus, à l’âge des Voyageurs de l’Impériale, quand Clara Zetkin remuait le cœur des ouvriers français, et Jaurès, les Congrès socialistes allemands. L’allemand et le russe s’enseignaient cinq fois plus dans nos lycées en 1950 qu’aujourd’hui ; il y avait alors plus d’Italie en France et de France en Italie qu’il n’y en a à présent. » Régis Debray, Civilisation.
Rome Berlin
« […] depuis la fin du nazisme, l’Allemagne n’a pas changé d’avis sur son rôle dans l’Europe, même si elle a abandonné l’idée de l’imposer militairement. Par trois fois, l’Italie a subi la fascination de la culture allemande, qui a conditionné son histoire, et pas seulement au niveau économique : il y a eu la Triple-Alliance de 1882, le pacte d’acier en 1939 et l’Union européenne en 1992. Il est vrai qu’à chaque fois, ce fut notre décision. Est-il possible que nous n’apprenions jamais de nos erreurs ? ».
Paolo Savona, ministre aux Affaires européennes du gouvernement italien M5S/Ligue de Giuseppe Conte, récusé dans un premier temps comme ministre de l’Économie par le président Mattarella. Extrait de son autobiographie.
Ramollissement général
« Je me demande si tout ceci – l’Europe – ne finira pas par une démence ou un ramollissement général. “Au quatrième top – il sera exactement… la fin d’un monde” » (Valéry, Cahiers, 1939).