Car ceux qui font l’objet de cette surveillance sont eux-mêmes individuellement équipés de prothèses électroniques capables d’écouter, filmer et révéler au monde entier leurs trouvailles sur le réseau. Mais prenez garde, ces prothèses sont des agents doubles : elles espionnent d’abord, à son insu, leur usager. Non seulement les internautes payent pour être surveillés, mais beaucoup avouent spontanément aux réseaux sociaux en ligne, ce que leur smartphone ignore encore d’eux.
Inutile d’insister sur ce que cette entreprise doit aux technologies numériques, cela tient en quelques mots : données, codes, algorithmes et réseau. Les yeux et les oreilles sont partout, ici-bas et dans le ciel, et surveillent tout le temps, 24/24, 7/7. Et les ordinateurs moulinent sans repos le Big Data vaporisé dans le Cloud pour le faire encore parler.
Ce ne sont pas les bons sentiments qui poussent à la « transparence » mais encore et toujours le conflit. S’il oppose sans surprise les puissances géopolitiques, il voit aussi s’affronter, parallèlement, les institutions et la société civile. Car les militants les plus avancés, les hactivists, détiennent les moyens et les compétence requis pour espionner les espions. D’autant que des lanceurs d’alertes opèrent du sein même des agences qui les emploient. Les espions ont une âme, et cela les agences qui savent tout, semble-t-il, l’ignoraient.
S’interroger sur le secret à l’ère numérique revient à se demander comment les invariants, disons anthropologiques, du secret s’articulent avec l’innovation technologique. Et les réponses peuvent surprendre : le sans précédent coexiste avec le toujours pareil et fait même place à quelques retours du refoulé le plus archaïque : dans le hit parade de la Toile, l’occultisme est toujours bien placé.
En résumé : 1. Plus il y a de numérique, plus il y a de secrets. 2. Plus il y a de secrets, plus il y a de moyens de les percer. 3. L’information devient l’arme, la cible et l’enjeu de la période.