Le 17 janvier 1995, devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, François Mitterrand remarque : « la France a combattu tous les pays d’Europe à l’exception du Danemark. On se demande pourquoi ! »
L’Union européenne est un singulier projet politique qui consiste à demander à des gens qui se sont toujours fait la guerre de s’unir de leur plein gré – d’ordinaire, c’est un conquérant plus ambitieux que les autres qui fait le travail. Il est vrai qu’en matière politique, les Européens, pour le meilleur et pour le pire, ont presque tout inventé. : pourquoi pas l’Union ?
Mais qu’est-ce qui peut motiver les parties prenantes, outre l’horreur des massacres passés et la peur que cela recommence ? Le 26 septembre 2017, le président Macron, annonce, à la Sorbonne, une autre « Initiative pour l’Europe » : dix-huit mois après le vote du Brexit, six mois avant les frissons d’un Italexit, un an avant cette espèce de « Frexit » rampant que signifie, entre autres, le mouvement des « gilets jaunes ». On ne s’ennuie pas…
Pour l’Europe ? En substance, les arguments tiennent en quatre mots : la paix, la prospérité (attendue de la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes), la puissance (face aux empires qui se partagent le monde), et les « valeurs européennes ».
On connaît les objections. La paix, certes, mais quid de la sécurité déléguée à une tierce puissance, dans une Union sans vraies frontières, ou qu’une chancelière peut décider d’ouvrir sans consulter les principaux intéressés ? La prospérité ? Pour les seuls gagnants de la mondialisation, aux dépens des autres, de plus en plus nombreux ? Des valeurs ? Mais quid d’une démocratie qui tance les peuples dès qu’ils se montrent « illibéraux » ou pire, « populistes » ?
Réponse européiste : il faut parachever l’Union, plus d’intégration, plus de fédéralisme… Réaction classique : quand un « - isme » quelconque échoue, ses partisans prescrivent d’augmenter la dose de leur potion favorite.
À considérer les événement que l’Union a dû affronter au cours de sa brève histoire, ses propres crises à répétition, on peut aussi saluer sa résilience. Une Union en marche, donc, mais pour aller où ? Faut-il imaginer Sisyphe heureux ? On est ramené à la question qui surplombe toutes les controverses : qu’est-ce que l’Europe, et comment peut-on être européen ?
Dans la perspective des élections européennes de mai 2019, ce double numéro spécial de Médium, apporte des éléments de réponse, en confrontant les points de vue : de l’histoire à la prospective (« Cartographie »), en passant par le regard des autres (« Vu d’ailleurs »), la symbolique et le marketing, la philosophie et le football (« Les Europes surprise »).
Médium, décembre 2018.