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Le médium c’est le casting !

par Paul Soriano

Publié le : 22 avril 2021. Modifié le : 17 décembre 2023

Selon McLuhan, « le message c’est le médium » : le médium porteur (presse, radio, TV, internet) serait au moins aussi déterminant que le message diffusé… Désormais, au cinéma et dans le séries, le message, c’est le casting.

Au départ, il s’agit de « lutter » contre les discriminations en effaçant tous les stéréotypes « construits » tout en libérant la « créativité » ; idéalement, Napoléon serait incarné par Omar Sy, Madame Bovary ou la reine Victoria par Gérard Depardieu et Jésus de Nazareth par Marion Cotillard…
Le petit monde du showbiz, qui ne doute de rien et surtout pas de son pouvoir de persuasion, est sans doute convaincu qu’en quelques années, le monde entier, abonné à Netflix, Disney et Cie, sera converti à l’interchangeabilité générale des personnes et des rôles, et cela IRW (In The Real Word, dans le monde réel).

Mais ce genre d’innovation est toujours difficile à maîtriser : gare aux effets pervers (ou vertueux) qui font toute la difficulté et l’intérêt de la médiologie…

Ainsi, la télévision aurait pu « tuer » (médiologiquement parlant) le « général micro » de l’appel du 18 juin ; mais de Gaulle a su au contraire en faire très vite un atout – et cela, moins en s’adaptant lui-même au médium qu’en adaptant le médium à son « style » : le médiologue se demande toujours comment ça marche, sans jamais oublier que ça marche dans les deux sens…

Dans un autre registre, les « réseaux sociaux planétaires », présumés universalistes, étaient censés donner enfin une consistance à cette expression sans cesse rabâchée bien que vide de sens : citoyen du monde… En réalité, ils œuvrent au moins autant à la fragmentation du monde.

Et dans le cas du casting engagé, le message véhiculé et reçu par les spectateurs peut-être totalement différent de celui que les producteurs croyaient leur avoir adressé… On le voulait édifiant, il tourne au comique (involontaire), parfois au grotesque, comme dans la désopilante série britannique La Chronique des Bridgerton que ses créateurs n’avaient surement pas prévu d’inscrire dans la catégorie « bouffonnerie déjantée » où régnaient jusqu’ici les Monty Pithon.

Ou pire encore : le renversement du message en son contraire, quand la négation de toute identité via l’interchangeabilité générale des interprètes et des rôles est reçue (avec quelque raison) comme un total mépris de l’identité… à laquelle les « discriminés » tiennent par-dessus tout : la leur !

En d’autres termes : le message « nous sommes tous interchangeables » est ainsi entendu : « vous n’existez pas ».

Et il faut bien reconnaître que cette interprétation est parfaitement recevable, puisque les producteurs et ceux qui dirigent les acteurs interchangeables et récoltent les profits de ce commerce inéquitable qu’est le show business, sont, eux, parfaitement identifiés, toujours des « Occidentaux » ou, pire, des « Occidentalisés ».



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